El misterio de los kuels…
« Les Mapuche sont les indigènes du Chili qui, chasseurs-cueilleurs à l’arrivée des Espagnols, ont résisté pendant 300 ans à l’envahisseur et vivent depuis ce temps-là d’une petite agriculture inspirée des techniques importées par les colons. » Voilà ce que nous croyions en arrivant ici il y a un mois et ce que beaucoup de Chiliens croient encore aujourd'hui. Et pourtant…
Il existe un endroit de l’Araucanie, territoire des Mapuche situé tout autour de Temuco, où l’on peut trouver de bien étranges structures. Dispersées dans une large vallée, plusieurs centaines de petites collines faites de terre et de pierre et pouvant atteindre les 16 m de hauteur quadrillent le paysage. Nommées « kuels », ces formations construites par l’homme possèdent de multiples fonctions si l’on en croit les habitants locaux. Les femmes chamans mapuche, appelées machi, expliquent par exemple que ces monticules sont en fait des tombes où sont enterrés des grands personnages. La hauteur de la butte facilite alors la montée au ciel de l’âme du défunt, et c’est aussi sur ce lieu sacré que les machi effectuent leurs rituels traditionnels.
Ces monticules de terre pourraient apparaître comme de simples collines naturelles à l'oeil non averti, ou encore comme de simples tas de terre repoussée en bord de champs. Mais en les regardant d'un peu plus près, l’étude de ces élévations révèle que la construction des plus anciens kuels s’est effectuée avant l’arrivée des Espagnols vers 1550, et notamment en utilisant une terre provenant de lieux géographiques éloignés. La mise en place de ces buttes a donc dû demander un travail non négligeable. C’est alors ici qu’apparaît le mystère : si le peuple local préhispanique était bel et bien un peuple de chasseurs-cueilleurs, comment ces derniers ont-ils trouvé l’énergie et le temps pour construire ces monticules, et qui plus est à l'aide de terre transportée depuis des lieux bien précis et très éloignés, alors que la nourriture qu’ils collectaient leur fournissait juste l’énergie pour chasser le prochain repas ?
La présence de ces kuels impliquerait donc que les Mapuche maîtrisaient la domestication des plantes, ce qui leur aurait permi de produire assez de nourriture pour s'organiser en sociétés sédentaires, pour mettre en place un travail collectif ou encore des rites pratiqués dans des lieux fixes. Et c’est en farfouillant dans les descriptions du conquistador Pedro de Valdivia, et en se plongeant dans les travaux d’anthropologues et d’historiens contemporains que l’on voit se redessiner peu à peu une Histoire oubliée des Mapuche. Selon cette nouvelle version, ce peuple maîtrisait en effet l’agriculture, et s’organisait en communautés regroupant plusieurs familles autour d’un ancêtre commun. Contrairement aux Incas du Pérou à l’organisation très centralisée, ces Mapuche constituaient donc un système original de « réseau dynamique » de communautés, indépendantes les unes des autres en temps de paix et d’abondance, et s’associant entre elles pour faire face aux difficultés dans les moments critiques comme la guerre ou la sécheresse.
Dans ces moments-là, les chefs de communautés proches se regroupaient pour nommer un chef supérieur momentané, afin d’agir en coordination face au problème présent. Plus le problème était d’importance et concernait beaucoup de communautés, plus le regroupement était grand. Et lorsque la difficulté était résolue, les regroupements devenus inutiles disparaissaient d’eux-mêmes, et les pouvoirs se décentralisaient. Grâce à cette organisation dynamique, les Mapuche ont ainsi pu résister efficacement à la tentative d’invasion inca en 1450. Puis, alors que ces derniers n’ont pu résister plus de quelques jours aux armes de feu des Espagnols, les Mapuche ont réussi à empêcher leur avancée pendant trois siècles, car lorsqu’une communauté ou un chef tombait, le reste du réseau gardait la capacité de se réorganiser ou de renommer un chef.
Par ailleurs, les kuels prouvant l’avancée de l’agriculture de cette société et son organisation, il n’est pas étonnant que ce soit dans cette vallée aux kuels qu’aient eu lieu justement les plus fortes résistances mapuche. Les anthropologues soupçonnent d’ailleurs ces buttes d’avoir hérité, lors de ces périodes de guerre, de nouvelles utilités ayant pu être déterminantes dans la résistance : les kuels auraient pu servir de repères géographiques parfaitement connu des Mapuche, et de points de vue panoramiques sur toute la vallée, leur permettant ainsi de se déplacer efficacement et d’anticiper les mouvements des Espagnols.
Mais alors, à partir de quand les Mapuche se sont-ils mis à cultiver ? Et que cultivaient-ils ? Et comment ont-ils pu finir par perdre leur organisation sociale ? Nous ne le savons pas encore, mais nous comptons bien le découvrir avant de partir !
En tous cas, demain nous retournerons sur le terrain (enfin !), pour déterminer les coordonnées GPS des plus grands kuels afin d'organiser le parcours que les touristes de luxe emprunteront lors de leur visite dans le futur parc ethnotouristique qui verra bientôt le jour dans cette vallée...
Il existe un endroit de l’Araucanie, territoire des Mapuche situé tout autour de Temuco, où l’on peut trouver de bien étranges structures. Dispersées dans une large vallée, plusieurs centaines de petites collines faites de terre et de pierre et pouvant atteindre les 16 m de hauteur quadrillent le paysage. Nommées « kuels », ces formations construites par l’homme possèdent de multiples fonctions si l’on en croit les habitants locaux. Les femmes chamans mapuche, appelées machi, expliquent par exemple que ces monticules sont en fait des tombes où sont enterrés des grands personnages. La hauteur de la butte facilite alors la montée au ciel de l’âme du défunt, et c’est aussi sur ce lieu sacré que les machi effectuent leurs rituels traditionnels.
Ces monticules de terre pourraient apparaître comme de simples collines naturelles à l'oeil non averti, ou encore comme de simples tas de terre repoussée en bord de champs. Mais en les regardant d'un peu plus près, l’étude de ces élévations révèle que la construction des plus anciens kuels s’est effectuée avant l’arrivée des Espagnols vers 1550, et notamment en utilisant une terre provenant de lieux géographiques éloignés. La mise en place de ces buttes a donc dû demander un travail non négligeable. C’est alors ici qu’apparaît le mystère : si le peuple local préhispanique était bel et bien un peuple de chasseurs-cueilleurs, comment ces derniers ont-ils trouvé l’énergie et le temps pour construire ces monticules, et qui plus est à l'aide de terre transportée depuis des lieux bien précis et très éloignés, alors que la nourriture qu’ils collectaient leur fournissait juste l’énergie pour chasser le prochain repas ?
La présence de ces kuels impliquerait donc que les Mapuche maîtrisaient la domestication des plantes, ce qui leur aurait permi de produire assez de nourriture pour s'organiser en sociétés sédentaires, pour mettre en place un travail collectif ou encore des rites pratiqués dans des lieux fixes. Et c’est en farfouillant dans les descriptions du conquistador Pedro de Valdivia, et en se plongeant dans les travaux d’anthropologues et d’historiens contemporains que l’on voit se redessiner peu à peu une Histoire oubliée des Mapuche. Selon cette nouvelle version, ce peuple maîtrisait en effet l’agriculture, et s’organisait en communautés regroupant plusieurs familles autour d’un ancêtre commun. Contrairement aux Incas du Pérou à l’organisation très centralisée, ces Mapuche constituaient donc un système original de « réseau dynamique » de communautés, indépendantes les unes des autres en temps de paix et d’abondance, et s’associant entre elles pour faire face aux difficultés dans les moments critiques comme la guerre ou la sécheresse.
Dans ces moments-là, les chefs de communautés proches se regroupaient pour nommer un chef supérieur momentané, afin d’agir en coordination face au problème présent. Plus le problème était d’importance et concernait beaucoup de communautés, plus le regroupement était grand. Et lorsque la difficulté était résolue, les regroupements devenus inutiles disparaissaient d’eux-mêmes, et les pouvoirs se décentralisaient. Grâce à cette organisation dynamique, les Mapuche ont ainsi pu résister efficacement à la tentative d’invasion inca en 1450. Puis, alors que ces derniers n’ont pu résister plus de quelques jours aux armes de feu des Espagnols, les Mapuche ont réussi à empêcher leur avancée pendant trois siècles, car lorsqu’une communauté ou un chef tombait, le reste du réseau gardait la capacité de se réorganiser ou de renommer un chef.
Par ailleurs, les kuels prouvant l’avancée de l’agriculture de cette société et son organisation, il n’est pas étonnant que ce soit dans cette vallée aux kuels qu’aient eu lieu justement les plus fortes résistances mapuche. Les anthropologues soupçonnent d’ailleurs ces buttes d’avoir hérité, lors de ces périodes de guerre, de nouvelles utilités ayant pu être déterminantes dans la résistance : les kuels auraient pu servir de repères géographiques parfaitement connu des Mapuche, et de points de vue panoramiques sur toute la vallée, leur permettant ainsi de se déplacer efficacement et d’anticiper les mouvements des Espagnols.
Mais alors, à partir de quand les Mapuche se sont-ils mis à cultiver ? Et que cultivaient-ils ? Et comment ont-ils pu finir par perdre leur organisation sociale ? Nous ne le savons pas encore, mais nous comptons bien le découvrir avant de partir !
En tous cas, demain nous retournerons sur le terrain (enfin !), pour déterminer les coordonnées GPS des plus grands kuels afin d'organiser le parcours que les touristes de luxe emprunteront lors de leur visite dans le futur parc ethnotouristique qui verra bientôt le jour dans cette vallée...